Pourquoi certaines marques parviennent-elles à nous faire vibrer au point d’influencer nos achats sans même que nous nous en rendions compte ? La réponse tient en un mot : émotion.
Des études en neurosciences et en psychologie du consommateur montrent que l’être humain n’est pas aussi rationnel qu’il le pense dans ses choix.
Selon le professeur Gerald Zaltman de l’Université Harvard, jusqu’à 95% de nos décisions d’achat seraient prises de manière subconsciente, l’émotion étant le principal moteur de ces choix
Autrement dit, bien souvent nous ressentons avant de penser. Ces réactions affectives profondes guident nos comportements d’acheteurs, parfois à notre insu, et les marketeurs l’ont bien compris pour mettre en place leur stratégie de marketing émotionnel.
Le marketing émotionnel consiste justement à exploiter cette puissance des émotions pour créer un lien fort entre une marque et son audience. Il ne s’agit plus seulement de vanter des caractéristiques produit ou un prix attractif, mais de susciter des sentiments – joie, nostalgie, confiance, surprise, espoir – , des émotions positives, qui vont toucher le public et influencer durablement sa perception.
Ce levier, inspiré par les découvertes scientifiques récentes, s’avère redoutablement efficace pour orienter les décisions d’achat et bâtir des marques mémorables.
Dans cet article, nous explorerons le rôle des émotions dans le processus d’achat et le branding en nous appuyant sur des recherches académiques, puis nous verrons comment les grandes marques utilisent les émotions pour fidéliser et engager leurs clients.
Des exemples concrets viendront illustrer comment une stratégie émotionnelle bien pensée peut transformer une transaction banale en une relation significative entre une marque et ses consommateurs.
Les émotions, moteur des décisions d’achat
Quand l’émotionnel prends le pas
Pendant longtemps, le marketing traditionnel a misé sur une approche rationnelle du consommateur, présentant arguments logiques et fiches techniques détaillées. Or, les avancées en neurosciences bouleversent cette vision. Des recherches ont prouvé que les émotions constituent la base fondamentale de nos pensées, de nos comportements et de nos actions.
En d’autres termes, derrière chaque décision en apparence réfléchie, se cache un processus émotionnel souvent inconscient. Le marketing n’échappe pas à la règle des émotions humaines : la dimension émotionnelle joue un rôle déterminant dans les décisions d’achat des consommateurs et dans la façon dont ils réagissent aux messages de marque dans leur expérience client.
Concrètement, notre cerveau dispose d’un « pilote automatique » émotionnel (ce que Daniel Kahneman nommerait Système 1) qui réagit en une fraction de seconde à un stimulus, bien avant que notre raison intervienne. Le neuroscientifique Antonio Damasio souligne d’ailleurs que sans émotions, la prise de décision devient quasiment impossible – preuve que l’affect guide l’action. Gerald Zaltman va dans le même sens en affirmant que l’essentiel de la cognition liée à l’achat se déroule dans l’inconscient.
Ce fonctionnement cérébral explique pourquoi un consommateur peut craquer pour un produit sur un coup de cœur, puis seulement ensuite justifier son choix par des arguments rationnels. Nous avons tendance à rationaliser a posteriori une décision déjà influencée par une réaction affective initiale. Comme le résume une analyse : « les émotions sont ce qui motive vraiment les comportements d’achat, la raison n’intervenant que pour les justifier ensuite »Les effets des émotions sur l’acte d’achat sont également mesurables. Des chercheurs en marketing ont établi un lien étroit entre émotion et mémoire : un message qui suscite une émotion aura beaucoup plus de chances d’être retenu par le consommateur
Inciter à l’achat autrement
En conséquence, les campagnes publicitaires émotionnelles obtiennent de bien meilleurs résultats que les approches purement informatives. Une étude a montré que les publicités faisant appel aux émotions réussissent environ 31% du temps à atteindre leurs objectifs, contre seulement 16% pour des publicités neutres
C’est quasiment deux fois plus d’efficacité, ce qui suggère à quel point un récit publicitaire poignant ou une mise en scène attendrissante peuvent inciter le public à l’achat bien plus qu’une fiche technique ou un prix barré. En faisant vibrer la corde sensible, les marques activent des mécanismes profonds – l’impulsion, l’attachement, le désir – qui poussent le consommateur à agir ici et maintenant.
Loin d’être irrationnelle, cette stratégie vise et s’appuie sur le fonctionnement même du cerveau humain et sur sa propension à associer émotions et actions.
Les grandes entreprises investissent d’ailleurs de plus en plus dans leur image de marque et neuromarketing, une discipline à la croisée du marketing et des neurosciences, pour comprendre ces réactions intimes.
L’objectif : savoir quelles images, quelles musiques ou quelles histoires activent les zones émotionnelles du cerveau et influencent favorablement les décisions. Ces connaissances permettent d’affiner les campagnes et produits afin de maximiser l’impact émotionnel.
Il ne s’agit pas de manipuler le consommateur, mais de mieux se synchroniser avec ses aspirations profondes.
En engageant le cerveau émotionnel du public, une marque peut non seulement capter son attention dans un océan de messages publicitaires, mais surtout gagner sa préférence face à des concurrents aux arguments purement factuels.
Comme le soulignent Pluta-Olearnik et Szulga (2022), intégrer l’émotion et l’inconscient dans l’analyse du comportement d’achat ouvre de nouvelles possibilités pour se connecter au client et révéler ses besoins cachés.
L’émotion au cœur du branding
Si les émotions guident l’achat, elles sont tout aussi cruciales dans la façon dont nous percevons et aimons (ou non) une marque sur le long terme.
Gagner le cœur du consommateur
Le branding émotionnel vise à construire une identité de marque qui résonne avec les valeurs, les désirs et l’affect de sa cible. Là où le marketing classique cherchait à ancrer une marque dans l’esprit par la répétition d’un slogan ou la démonstration de sa supériorité produit, le branding émotionnel cherche à gagner le cœur du consommateur.
Dans l’économie actuelle, les consommateurs ne se contentent plus d’acheter un produit pour sa seule utilité fonctionnelle. Bien sûr, la qualité et le prix comptent, mais au-delà de ces critères rationnels, ce qui fait la différence entre une marque et une autre, c’est souvent le ressenti qu’elle procure.
Les études montrent qu’aujourd’hui, un achat est aussi une expression de soi : les consommateurs choisissent des marques qui reflètent leur identité ou les valeurs auxquelles ils adhèrent.
En ce sens, l’acte d’achat devient un acte émotionnel et culturel. Une publication dans Frontiers in Psychology souligne qu’à l’ère de la « consommation émotionnelle », ce que les clients recherchent, ce n’est plus seulement un objet, mais une satisfaction émotionnelle et une reconnaissance psychologique dans le fait de le posséder.
L’expérience d’utilisation doit procurer du plaisir, de la fierté, de l’assurance ou tout autre sentiment valorisant l’individu.
Cette quête d’émotion explique pourquoi certaines marques suscitent de véritables passions. Par exemple, la marque Apple a su créer un univers aspirationnel fort autour de l’innovation, du design et de la créativité. Acheter un appareil Apple, ce n’est pas juste acquérir une technologie de pointe : c’est rejoindre une communauté d’utilisateurs qui partagent un certain art de vivre et des valeurs communes.
En réalité, on n’achète pas le dernier iPhone uniquement pour ses caractéristiques techniques, mais pour ce que la marque dit de nous — le fait qu’on valorise l’innovation, l’esthétique épurée et l’esprit créatif, par exemple.
Apple a bâti un branding émotionnel si puissant que ses clients deviennent des fans, prêts à faire la queue des heures pour un nouveau produit ou à défendre la marque spontanément. On parle même d’amour de la marque (brand love), un attachement affectif quasi-personnel.
De la même manière, des marques automobiles comme Ferrari ou Lamborghini incarnent bien plus que des voitures : posséder l’un de leurs modèles suscite des émotions de statut, de liberté ou de fierté qui dépassent largement la fiche technique du véhicule.
Donner vie à sa marque
Cette connexion émotionnelle profonde se construit en donnant une âme à la marque, une personnalité avec laquelle le public peut entrer en empathie. Les marques qui réussissent sur ce terrain racontent une histoire, véhiculent des valeurs sincères et s’expriment d’une voix humaine. Elles peuvent évoquer la nostalgie d’un passé rassurant, l’espoir d’un futur meilleur, ou des idéaux sociétaux qui tiennent à cœur à leur audience. Ce faisant, elles tissent avec leurs consommateurs une relation qui s’apparente à une relation humaine : faite de confiance, de cohérence et de partage d’émotions.
Les recherches académiques confirment d’ailleurs qu’une relation émotionnelle positive avec une marque améliore sa perception globale. Lorsque le consommateur associe une marque à des émotions agréables (joie, émerveillement, sentiment d’appartenance…), il développera une attitude favorable et indulgente envers elle, parfois même « au-delà de la raison ». Kevin Roberts, ancien PDG de Saatchi & Saatchi, parlait à ce sujet de Lovemarks, ces marques adorées qui inspirent une loyauté allant au-delà du simple rationnel.
Enfin, l’émotion est un ciment de la mémoire de la marque. Nous nous souvenons bien plus facilement d’une marque qui nous a fait ressentir quelque chose de fort. Un logo ou un slogan lié à un souvenir heureux ancré dans notre esprit aura plus de chance de revenir en tête au moment de l’achat.
C’est pourquoi les spécialistes du branding cherchent à associer leur nom à des moments de vie, des expériences marquantes ou des images percutantes. Une fois cette empreinte émotionnelle établie, la marque bénéficie d’une présence à l’esprit (top-of-mind) accrue et d’une différenciation nette par rapport à des concurrents plus fades émotionnellement. En somme, l’émotion fidélise la mémoire : ce que le cœur enregistre, l’esprit ne l’oublie pas.
Des stratégies émotionnelles inspirées des grandes marques
Comment les grandes entreprises mettent-elles en pratique les campagnes de marketing émotionnel ? Quelles techniques utilisent-elles pour créer ce lien affectif avec leur audience ? En observant les campagnes les plus réussies de ces dernières années, on retrouve quelques principes clés du marketing émotionnel appliqués avec brio : la personnalisation, le storytelling, la nostalgie, les valeurs partagées et l’expérience participative.
Personnaliser l’expérience user
L’une des stratégies émotionnelles les plus connues est la personnalisation de l’expérience, qui donne au consommateur le sentiment d’être spécial aux yeux de la marque et vis à vis du reste des clients. Un exemple emblématique est la campagne « Share a Coke » de Coca-Cola.
La marque de soda a remplacé son logo sur les bouteilles par des prénoms individuels, invitant les gens à trouver leur bouteille et à la partager avec leurs proches. Cet acte apparemment simple de personnalisation a déclenché chez les consommateurs un sentiment de reconnaissance personnelle, presque d’amitié avec la marque – « Coca-Cola connaît mon prénom ! ».
Aussitôt, les réseaux sociaux se sont enflammés de photos d’internautes fiers de montrer leur bouteille à leur nom, utilisant le hashtag #ShareaCoke. En transformant un achat ordinaire en expérience ludique et personnelle, Coca-Cola a créé une vague émotionnelle et virale autour de son produit. Les résultats ont été spectaculaires : en seulement un mois après le lancement de l’opération en Australie, les ventes de Coca-Cola ont bondi de 7%
La campagne, déployée ensuite mondialement, a abouti à la production de 1,5 milliard de bouteilles personnalisées et généré plus de 100 millions d’interactions sur les réseaux sociaux. Surtout, elle a renforcé l’image d’une marque proche de ses consommateurs, célébrant le partage et la convivialité – des valeurs hautement émotionnelles liées à la joie et à l’amitié.
Un storytelling inspirant
Une autre technique puissante est le storytelling inspirationnel, qui consiste à raconter des histoires capables de toucher et d’élever le public. Sur ce registre, la marque Nike excelle depuis longtemps en associant son slogan « Just Do It » à des récits d’accomplissement de soi. Nike ne vend pas que des chaussures de sport ; elle vend la persévérance, le dépassement de soi et la foi en ses rêves. Ses publicités mettent en scène des athlètes (professionnels ou anonymes) surmontant les obstacles avec détermination, ce qui génère chez le spectateur des émotions de motivation et d’admiration.
En 2018, Nike a frappé encore plus fort avec sa campagne « Dream Crazy » mettant en avant Colin Kaepernick, joueur de football américain devenu symbole de lutte pour l’égalité. Ce pari audacieux – soutenir une cause sociétale clivante – a suscité des émotions intenses chez le public : de la fierté et de l’enthousiasme chez ceux qui partageaient ces valeurs d’inclusion, de la colère chez d’autres opposés au message. Malgré une polémique initiale, l’effet sur la marque a été largement positif au sein de sa cible : les ventes en ligne de Nike ont grimpé de 31% dans les jours qui ont suivi le lancement de la campagne.
La prise de position a renforcé l’attachement des clients en phase avec ces valeurs, et Nike a démontré que l’engagement émotionnel (ici via l’adhésion à une cause) pouvait consolider sa communauté de fans et même en attirer de nouveaux, prêts à soutenir une marque courageuse qui va au bout de son ethos.
En misant sur l’authenticité et l’inspiration, Nike a transformé sa communication en un mouvement émotionnel bien plus qu’en une simple pub, ce qui lui a valu reconnaissance et loyauté accrues.
La nostalgie est un autre ressort émotionnel fréquemment utilisé par les marques pour créer du lien. Faire appel à de doux souvenirs du passé permet de susciter un sentiment de réconfort et d’attachement profond. La marque automobile Volkswagen l’a illustré de manière magistrale avec sa campagne « Volkswagen et Moi » en France.
Après le scandale du Dieselgate qui avait entamé la confiance du public, Volkswagen a choisi de raconter l’histoire de clients retrouvant leur vieille voiture de jeunesse restaurée, prête à reprendre la route. Ces spots émouvants ne vendaient pas directement un modèle neuf : ils racontaient une renaissance émotionnelle, en montrant l’attachement presque affectif entre les gens et leur première Volkswagen. La marque a ravivé les souvenirs positifs associés à ses modèles emblématiques et à la place qu’ils occupent dans la vie de ses clients
Cette campagne a fait bien plus que promouvoir une voiture : elle a opéré comme un acte de réconciliation avec le public, en réaffirmant les valeurs intemporelles de fiabilité et de proximité chères à Volkswagen
En créant un pont entre le passé et le présent, la marque a non seulement regagné la confiance de nombreux consommateurs, mais aussi renforcé leur sentiment d’appartenance à l’histoire de Volkswagen. Les clients ne voyaient plus simplement en Volkswagen un constructeur automobile en crise, mais un compagnon de route de longue date, porteur de souvenirs partagés. Cet exemple montre comment une histoire chargée d’émotion peut réparer le lien avec une audience et même le rendre plus fort qu’auparavant.
D’autres marques exploitent également la nostalgie : on pense aux confitures Bonne Maman avec leur design rétro évoquant l’enfance, ou encore à certaines publicités de Noël qui réactivent chez les spectateurs des réminiscences de moments familiaux. La nostalgie, bien utilisée, apporte une touche d’authenticité et d’intimité qui ancre la marque dans le patrimoine affectif du consommateur.
Apporter une connexion émotionnelle
Enfin, de nombreuses grandes marques misent sur des valeurs universelles et humaines pour créer une connexion émotionnelle sincère. La campagne « Real Beauty » de Dove, par exemple, s’est attachée à valoriser l’estime de soi et l’acceptation de son corps, en montrant de « vraies » femmes loin des canons publicitaires habituels. En touchant à des émotions de confiance en soi, de positivité et d’empowerment, Dove a bâti avec ses consommatrices une relation empreinte de respect et de proximité. Ce positionnement émotionnel audacieux a non seulement fortement marqué les esprits, mais aussi redoré l’image de la marque sur le long terme.
De fait, plus de 15 ans après, Dove est toujours associée à ce message inclusif et bienveillant, preuve qu’une stratégie émotionnelle cohérente peut avoir un impact durable sur le branding. D’autres entreprises intègrent les valeurs et les causes dans leur marketing pour susciter l’émotion : citer par exemple Ben & Jerry’s et ses engagements sociaux, ou Patagonia défendant l’environnement, c’est montrer comment l’adhésion à une philosophie peut se traduire en attachement de clients partageant la même vision du monde.
Ici, l’émotion naît de la fierté de soutenir une marque alignée avec ses convictions personnelles, ce qui peut se muer en véritable militantisme de la part des consommateurs.
Qu’il s’agisse de joie partagée, d’inspiration, de nostalgie ou de fierté engagée, les grandes marques savent activer les bons leviers émotionnels. Ces exemples concrets illustrent qu’en plaçant l’humain et ses sentiments au centre de la stratégie, un marketing peut dépasser la simple transaction commerciale pour entrer dans la sphère de l’expérience vécue. Et cette expérience, si elle est positive et mémorable, deviendra le socle d’une relation durable entre la marque et son audience.
Émotions, fidélisation et engagement durable des consommateurs
Marketing émotionnel et engagement
Créer une émotion lors d’un achat ou via une campagne, c’est bien. Mais le véritable graal du marketing émotionnel, c’est de convertir cette émotion en une relation durable avec le client. En effet, l’impact des émotions ne s’arrête pas une fois le produit acheté ; il se prolonge dans le temps en cultivant la loyauté et l’engagement du consommateur envers la marque.
Lorsqu’une marque parvient à établir une connexion émotionnelle forte, elle gagne un client bien plus fidèle qu’avec n’importe quel programme de points ou rabais occasionnels. Car la fidélité née des émotions n’est pas une simple habitude d’achat : c’est un attachement sincère, parfois même identitaire, qui lie le consommateur à la marque.
Des études marketing ont tenté de quantifier ce phénomène et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Par exemple, une analyse a révélé que les clients ayant un lien émotionnel fort avec une marque ont une valeur vie client (c’est-à-dire la somme de leurs achats sur la durée) supérieure de 306% par rapport aux clients non connectés émotionnellement
En d’autres termes, un client conquis par le cœur dépensera en moyenne quatre fois plus au profit de la marque au cours de sa vie. Ce différentiel énorme s’explique par plusieurs facteurs : ces clients fidèles achètent plus souvent, n’hésitent pas à choisir la marque même si le prix est un peu plus élevé (la logique passant après l’affect), et explorent volontiers d’autres produits de la gamme par confiance.
De plus, l’advocacy (recommandation active de la marque) est largement boostée par l’émotion. Un client véritablement conquis ne se contente pas de racheter, il devient un ambassadeur spontané, recommandant la marque à son entourage, partageant son enthousiasme sur les réseaux sociaux et défendant la marque en cas de critique. Là encore, les chiffres le confirment : selon une étude citée plus haut, 71% des clients ayant un attachement émotionnel à une marque se disent prêts à la recommander autour d’eux, contre seulement 45% des clients en général.
L’écart est significatif. Cette propension à recommander est précieuse à l’heure où le bouche-à-oreille et les avis en ligne ont un impact majeur sur le succès d’une entreprise. Chaque client émotivement engagé devient un vecteur de publicité positive, crédible et à coût nul, pour la marque. C’est ainsi que se forment de vraies communautés de marque, unies par un lien affectif commun. Pensez aux utilisateurs de Harley-Davidson formant un clan soudé par la passion de la moto, ou aux fans de LEGO échangeant fièrement leurs créations : dans tous ces cas, l’émotion (la camaraderie, la créativité partagée) est le ciment d’une fidélité inébranlable.
Une fidélisation client plus naturelle
Par ailleurs, un lien émotionnel solide agit comme un bouclier contre les aléas du marché. Un client attaché émotionnellement sera moins enclin à changer de marque au moindre problème. Il fera preuve de plus de tolérance en cas d’erreur ou de crise, là où un client peu engagé abandonnerait aussitôt le navire pour un concurrent. La confiance et la sympathie accumulées jouent le rôle d’amortisseur : on pardonne plus facilement à quelqu’un (en l’occurrence une marque personnifiée) avec qui l’on a une relation positive. Ainsi, la fidélisation par l’émotion offre à la marque une base de clientèle stable, moins volatile face aux offensives concurrentes ou aux fluctuations de prix.
Enfin, soulignons l’impact sur l’engagement continu. Un consommateur émotionnellement lié à une marque aura tendance à interagir davantage avec elle : il suivra ses actualités, réagira à ses publications, participera à ses événements ou défis en ligne. Chaque interaction renforce à son tour la relation. Cet engagement crée un cercle vertueux : plus le client s’implique, plus il se sent partie prenante de l’univers de la marque, et plus son attachement grandit. C’est un public réceptif pour les innovations, les co-créations (par exemple donner son avis sur de nouveaux produits) et toutes les initiatives de fidélisation. Au-delà de l’achat, l’engagement émotionnel se manifeste par une loyauté comportementale (reste fidèle) et attitudinale (parle en bien, ressent un attachement). De fait, l’émotion alimente la durabilité de la relation client-marque, bien plus sûrement que des arguments rationnels qui peuvent être vite oubliés ou surpassés par un concurrent.
Investir dans le marketing émotionnel, c’est donc investir dans une valeur à long terme. Les émotions gravent la marque dans le cœur du public, transformant des acheteurs en alliés de longue date. Pour les marketeurs en grande entreprise, souvent focalisés sur la croissance et le ROI, ces résultats sont éloquents : une clientèle émue est une clientèle qui reste, qui achète plus et qui recrute d’autres clients par son enthousiasme contagieux. Le défi est de parvenir à entretenir cette flamme émotionnelle dans la durée, sans décevoir ni sembler artificiel. Mais lorsque c’est fait avec justesse et authenticité, les retombées en termes de fidélisation et d’engagement sont parmi les plus fortes que l’on puisse espérer.
L’avenir du marketing émotionnel
À l’aube de l’ère digitale avancée et de l’intelligence artificielle, le marketing émotionnel s’impose plus que jamais comme un pilier incontournable de la stratégie des marques. Certes, les technologies et les données permettent d’en savoir toujours plus sur les comportements des consommateurs, mais paradoxalement c’est en revenant à la composante la plus humaine de ces comportements – l’émotion – que les marques tireront leur épingle du jeu. Le futur du marketing ne sera pas dominé par des robots froids et rationnels dictant nos choix, mais par des marques capables d’utiliser ces technologies pour mieux nous comprendre en tant qu’êtres sensibles.
On voit déjà émerger des outils d’IA émotionnelle capables d’analyser le ton d’une conversation ou l’expression d’un visage pour adapter en temps réel un message marketing. Demain, une publicité en ligne pourra peut-être s’ajuster à l’humeur de la personne qui la regarde. Les grandes entreprises disposent de montagnes de données sur leurs clients ; l’enjeu sera de les utiliser de façon éthique pour proposer des expériences personnalisées et empathiques, plutôt que purement commerciales. Un email promotionnel pourrait ainsi être rédigé dans un style différent selon que vous soyez un client fidèle de longue date (en insistant sur la gratitude et la connivence) ou un nouveau prospect (en misant sur la curiosité et l’enthousiasme). Les parcours clients seront de plus en plus conçus comme des aventures émotionnelles sur mesure, grâce à l’automatisation intelligente.
Parallèlement, le marketing sensoriel et expérientiel continuera de se développer, offrant aux consommateurs des immersions émotionnelles toujours plus marquantes. Réalité virtuelle, réalité augmentée, événements live spectaculaires : la compétition se jouera sur la capacité à faire vivre quelque chose d’unique au public, à créer des souvenirs inoubliables associés à la marque. Dans un monde où les produits et services se commoditisent rapidement, l’émotion restera le différenciateur suprême – ce petit plus intangible qui fait qu’on choisit telle marque plutôt qu’une autre, parce qu’avec elle on ressent quelque chose de spécial.
Un autre aspect crucial de l’avenir du marketing émotionnel sera l’authenticité. Les consommateurs, notamment les jeunes générations comme les Millennials et la Génération Z, sont très sensibles à la sincérité des marques. Il ne suffira pas de prétendre être émouvant ou de surfer opportunément sur une cause à la mode : il faudra être cohérent et vrai. Un storytelling qui sonne faux ou une émotion artificielle pourront se retourner contre la marque, perçue alors comme manipulatrice. À l’inverse, une entreprise fidèle à ses valeurs, qui communique avec transparence et respecte ses engagements, gagnera le cœur de son audience. Le marketing émotionnel de demain devra donc s’inscrire dans une démarche globale d’entreprise où l’expérience client, la culture interne et la communication véhiculent les mêmes valeurs. Les émotions suscitées ne pourront être positives et durables que si l’expérience réelle du client les confirme à chaque point de contact.
En conclusion, le marketing émotionnel a de belles années devant lui, car il touche à l’essence même de la relation entre une marque et son public. À l’heure où l’attention des consommateurs est un bien rare, toucher l’âme et le cœur reste la meilleure façon d’exister dans leur esprit surchargé. Inspirer, émouvoir, faire vibrer – voilà la nouvelle bataille que se livrent les marques, bien plus que celle des caractéristiques techniques ou des prix. Pour les marketeurs et professionnels du digital en grande entreprise, cela ouvre un champ d’innovation passionnant : allier la rigueur des données et de la science du comportement à la créativité émotionnelle pour concevoir des campagnes toujours plus engageantes. En redonnant toute sa place à l’humain dans la stratégie – cet humain tour à tour rationnel et irrationnel, guidé par ses émotions – le marketing retrouve en quelque sorte sa raison d’être première : créer du lien. Un lien sincère, profond, qui se traduit en confiance et en fidélité.